vendredi 11 mai 2012

Euro : nous sommes assis sur un volcan ?

Après une période de fausse accalmie, qui avait tout du calme avant la tempête, la crise de l'euro se précipite pour entrer dans un fatal paroxysme.  Le terme de l'impasse dans laquelle la monnaie unique s'est elle-même fourvoyée est connu et bien connu depuis deux ans au moins, si ce n'est depuis l'acte de naissance de l'euro avec la ratification du traité de Maastricht, il y a tout juste 20 ans. Alors que nous fêtons à quelques jours près le 20ème anniversaire du prophétique « Discours pour la France » prononcé le 5 mai 1992 par Philippe Séguin à l'Assemblée nationale – et que j'invite chacun, une fois encore, à lire et relire -, la situation ne manque pas de sel...
Emblème d'une union monétaire inachevée, l'euro est en éternel sursis, la divergence des économies nationales à partir de 2000 et l'irruption des crises financières depuis 2008 le forçant à un bond fédéral impossible ou à la disparition, concertée ou non.
 Rappelons les termes concrets de cette impasse : l'Allemagne n'accepte de mettre en commun sa monnaie forte et les taux d'intérêt d'emprunts très bas qui lui sont attachés qu'en échange de l'observance par les autres membres de l'euro de sa culture économique et financière rigoureuse. En quelque sorte, il est demandé aux autres peuples de devenir allemands sur ce terrain, ce qui est économiquement et culturellement impossible, les nations étant irréductibles les unes aux autres. C'est bien le sens du drame grec et des autres drames qui attendent à sa suite (portugais, espagnol, italien, français,...) : les Européens ne sont pas des Allemands, ils ne peuvent ni ne veulent le devenir.
Ils ne le peuvent pas, car leurs atouts économiques disparates, leurs spécialisations industrielles, leur organisation du travail, etc. ne le permettent pas. Ainsi, chacun constate aujourd'hui que l'austérité punitive infligé à la Grèce ne permettra pas de la remettre sur les rails d'un développement vertueux, mais aboutit au contraire à une sorte d'euthanasie économique et sociale conduisant à des troubles politiques très graves.
 Les Européens ne sont pas des Allemands, mais les Allemands ne veulent pas davantage cesser d'être eux-mêmes, en devenant les bailleurs de fonds de peuples structurellement moins compétitifs, qu'une mise sous perfusion financière n'inciterait nullement à s'aligner sur les canons germaniques de la rigueur budgétaire. Comment les en blâmer ? D'autant que personne ne doit oublier que l'économie est devenue l'unique domaine où l'identité nationale allemande s'est réfugiée, après avoir renoncé à toute hégémonie politique et militaire dont l'Europe n'a eu que trop à connaître les effets ces 150 dernières années.
 L'impasse de l'euro, virtuelle dès sa naissance et clairement concrétisée depuis 2 ans atteint donc son apogée aujourd'hui. Comme je l’avais prévu dans mon discours de mai 2010 à l’Assemblée Nationale, la Grèce va sortir de l’euro pour pouvoir regagner en compétitivité, quitte à payer un très lourd tribut dans les premiers temps de sa liberté retrouvée. C'est le seul moyen, aujourd'hui comme hier, de pouvoir relancer sa croissance et redonner une dignité au peuple grec.
Bien évidemment cette sortie de la Grèce annonce le début de la fin de l’euro car l'effet domino redouté depuis deux ans sera irrésistible : attaque des marchés, envolée des taux d'intérêt, crise bancaire dans les pays devant sortir de l'euro avec des mouvements de « bank run » (les épargnants se ruant dans leur banque pour placer leurs économies dans des établissements allemands), éclatement chaotique de la monnaie unique.
 Le choix des européens est simple. Soit ils continuent à nier la crise et appliquent la politique du pire à l’Espagne, l’Italie, la France, même maquillée d'une politique de relance qui ne pourra avoir que des effets cosmétiques, provoquant un tsunami politique et social sur le continent, soit ils préparent le démontage de l’euro en passant sereinement de la monnaie unique à la monnaie commune.
 Tant que la monnaie unique n'aura pas été aspirée par la tourmente de l'implosion annoncée, il sera encore temps. Mais François Hollande, candidat d'un PS tout aussi compromis que l'UMP dans la « construction » de cette Europe complètement folle, aura-t-il le courage de tirer la sonnette d'alarme ?
 Rien n'est moins sûr ! Alors que les dirigeants français et européens paraissent danser sur un volcan, les élections législatives de juin prochain revêtiront une dimension historique inédite : sombrer ou changer, telle est l'alternative.

Source: