lundi 19 mars 2012

Le Tigre et l’Euphrate, conflictualités et initiatives de paix.

« L’eau est le regard de la Terre, son appareil à regarder le temps ». Gaston Bachelard

, La Corniche, Bizerte, décembre 2007
Les bassins versants du Tigre et de l’Euphrate se situent au carrefour de trois continents. Leur importance géostratégique a traversé les siècles.
Les vallées de ces deux fleuves forment la Mésopotamie (du grec mesos « milieu » et potamos « fleuve »), elle-même corne du Croissant fertile. Elle constitue aujourd’hui la majeure partie de l’Irak, riche en hydrocarbures.
Grâce à l’eau des deux fleuves, la Mésopotamie a vu la naissance de l’agriculture et de l’irrigation et a permis aux civilisations de Sumer, de Mari et de Babylone de fleurir.
Zone géostratégique majeure, elle a été le théâtre de maints conflits et aurait vu, il y a 2 500 ans, la première guerre de l’eau.
De nos jours, elle est l’un des cinq « points chauds » d’hydroconflits que sont les régions de la mer d’Aral, du Gange, du Jourdain, du Nil, du Tigre et de l’Euphrate.
C’est aussi une zone du monde où la croissance démographique est une des plus fortes.
Aujourd’hui, outre les jeux politiques troubles et dramatiques que catalyse la maîtrise des puits de pétrole de la région, les tensions sur les eaux abondantes, tumultueuses et capricieuses des deux fleuves mythiques sont patentes entre la Turquie, l’Irak et la Syrie. De façon moins évidente, les eaux de la région intéressent aussi le Liban, l’Iran, Israël et même au-delà. Ces tensions autour de l’eau sont, en fait, récentes car, pour l’essentiel, ces pays appartenaient à l’empire ottoman avant qu’il ne soit dépecé par les puissances occidentales par le traité de Lausanne de 1923.
Parfois, on a frôlé la guerre ouverte.
L’eau a été, en tout cas, considérée comme arme pour faire plier l’adversaire. Pendant la guerre du Golfe, en 1991, les Etats-Unis ont envisagé de bombarder des barrages sur le Tigre et l’Euphrate, au nord de Bagdad. Ils ont discuté de la possibilité de demander à la Turquie de réduire le débit de l’Euphrate, en amont de l’Irak. Ils ont enfin pris pour cibles les installations d’adduction d’eau de Bagdad lorsque Saddam Hussein eut détruit les unités de dessalement d’eau au Koweït.
Un accord tripartite sur le partage des eaux entre la Turquie, l’Irak et la Syrie semble hors de portée à l’heure actuelle d’autant que les bouleversements et la confusion introduits par l’invasion américaine de l’Irak fragilisent Bagdad et incitent l’Iran et la Turquie à essayer de se positionner comme puissances régionales. Surtout, la Turquie – château d’eau de la région - veut faire jouer la carte de l’eau à l’image du jeu des Arabes bien pourvus en hydrocarbures.
De fait, les usages de l’eau dans la région paraissent peu compatibles avec un développement durable. La salinisation, les pollutions et les changements climatiques ne feront qu’exacerber une situation déjà critique.
De ce fait, des bouleversements sociaux et économiques sont prévus par les spécialistes qui voient déjà dans le dépérissement de l’écosystème unique du Chott El Arab, la zone des marais où se rencontrent le Tigre et l’Euphrate en Irak, ainsi que dans l’effritement de la civilisation millénaire « des Arabes des marais » - si bien décrite par Wilfred Thesiger - des signes qui ne trompent pas.
Faut-il pour autant désespérer ?
Non.
Ici comme dans tout le Moyen–Orient, l’eau est, au premier chef, une question politique et éthique et les hostilités – avec leur terrible lot de souffrance humaine - ne sauraient être la clef de la solution.
La coopération, la négociation et la diplomatie sont bien plus efficaces et ont plus d’atouts !
Explorer ces problématiques géopolitiques, stratégiques, environnementales et humaines autour de l’eau dans cette région capitale du monde et leurs impacts sur la paix et la concorde entre les hommes est le but que se donne ce modeste dossier.
Puisse le lecteur y trouver profit.
Auteur du dossier :
Larbi BOUGUERRA

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